Alice du fromage

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Billets qui ont 'festival du film en plein air de la Villette' comme date.

vendredi 3 août 2007

Eve

Mercredi soir.
Retour au Parc de la Villette, pour la première soirée chaude de l'été. Je me suis tant dépêchée pour tâcher d'être à l'heure (mission accomplie) que je suis en nage. Je me déchausse, l'herbe est incroyablement douce, ils ont bien raison de recommander qu'on n'écrase pas ses mégots dedans. (Mais alors, où les écraser?)
Comme d'habitude j'ai mon kit de survie, chaussettes, écharpe, ponchon. La première fois, il y a bien longtemps, que je suis venue à La Villette, j'avais refusé présomptueusement la couverture proposée avec la chaise longue: il faisait beau, au diable la couverture! Trois heures plus tard, transie, je comprenais pourquoi on proposait une couverture avec la chaise longue (l'un de mes regrets est de ne pas être allée à La Villette l'été de la canicule, en 2003 : on devait être bien).

Le problème d'un film comme Ève, c'est que même sans l'avoir jamais vu, on en a tant entendu parler qu'on sait déjà certaines choses, et cela empêche de douter autant qu'on devrait douter: Ève est-elle vampirique, ou est-ce Margo qui est paranoïaque? Karen, la meilleure amie de Margo, semble bel et bien penser que celle-ci mérite une leçon, ce qui innocente Ève un moment aux yeux des spectateurs.

J'ai trouvé au visage d'Anne Baxter quelque chose du visage de Joan Fontaine dans Lettre d'une inconnue. J'ai été amusée de constater que Marylin Monroe jouait pratiquement son propre rôle, celui d'une starlette prête à tout pour réussir (ce qui est d'ailleurs la condition du succès, est-ce Margo ou DeWitt qui l'affirme dès le début du film? les acteurs sont des êtres anormaux car ils sont prêts à tout pour leur carrière, leur carrière est la seule chose qui compte réellement pour eux, et c'est cette phrase qui est illustrée tout au long du film.)

Est-ce une évolution courante ou cela m'est-il propre? Swann reconnaissait des personnages de tableaux dans les visages autour de lui; je reconnais mon entourage dans les personnages de romans ou les films: le héros d'Un jour sans fin c'est Frédéric, la photo de Grossman dans Carnets de guerre me rappelle Patrick, l'homme du souterrain, c'est X., Ève, c'est Anne, la collègue que je suis bien heureuse d'avoir quittée...

mercredi 1 août 2007

Affreux, sales et méchants

Parc de la Villette, mardi 24 juillet.

A la fin de la projection, j'ai réalisé que cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un vrai film, un film qui ne soit ni gentil, ni joli, ni d'action, ni..., un film qui ne soit pas là pour faire plaisir, au réalisateur ou au spectateur, un film qui appartienne à tout ce qu'on veut sauf à la catégorie divertissement.

J'ai trouvé une critique avec laquelle je suis globalement d'accord, je la mets donc en lien ce qui m'évite de la paraphraser en la dénaturant: ici.

Le titre dit toute la vérité: les personnages sont affreux, sales et méchants. Que fait un spectateur confronté à des personnages affreux, sales et méchants? Il ne peut pas s'apitoyer (ils sont méchants), il ne peut pas condamner (la société ne leur a pas fait de cadeau, ils ne sont pas totalement responsables), il ne peut pas s'identifier (nous ne vivons pas dans des bidonvilles, nous qui allons au cinéma).
Alors le spectateur regarde, il écoute, il comprend parfois et partage quelques réactions, il rit, il est pétrifié d'horreur, il n'entrevoit pas vraiment d'avenir, le temps est immobile, dans la crasse et la lubricité.

Ce film tient magiquement en équilibre, il ne cherche pas à démontrer, il se contente de montrer. La misère, la crasse, la méchanceté, provoquent un sentiment de malaise et ce malaise se double d'un autre, celui de se rendre compte qu'on a envie de rire, qu'on rit, devant tant de bêtise, de roublardise, de ruse, d'obscénité comique dans son insistance. On voudrait croire qu'il s'agit d'une farce, d'une caricature, mais l'accumulation de détails, "de petits faits vrais", éloigne cette explication rassurante: il s'agit bien d'une vie possible. La mise en fiction est d'ailleurs minimale, tout le début du film n'est qu'une succession d'actes quotidiens qui ne constituent pas un récit, simplement la vie qui passe, puis prennent forme quelques anecdotes, quelques scènes, car il faut bien raconter quelque chose: la rencontre de Sybelle, le baptême, la vieille qui touche sa pension, la tentative d'assassinat, autant de scènes qui ne mènent nulle part.
La dernière scène se clôt sur la première, il n'y a pas d'issue, et la fillette du début, maintenant enceinte, vient prendre sa place dans le cirque infernal.

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